Audition spirituelle, Samâa et Extase Soufie dans la tradition islamique

Audition spirituelle, Samâa et Extase Soufie dans la tradition islamique

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Les hadiths qui autorisent, voire recommandent, l’audition spirituelle sont nombreux :

Selon Ibn K’ab, l’Envoyé de Dieu a dit :  » Certes, il y a une sagesse dans certaines poésies. » 

(Hadith rapporté par Bukhârî et Muslim)

Sa’id Ibn al-Misayyab rapporte :  « Umar passa dans la mosquée au moment où Hassan chantait. Il le regarda d’un œil désapprobateur. Hassan dit : « J’ai déclamé mes vers en présence de quelqu’un de meilleur que toi (c’est-à-dire le Prophète). Puis, il se tourna vers Abû Hurayra et dit: »Par Dieu ! N’as-tu pas entendu l’Envoyé de Dieu me dire: »Réponds pour moi, O Seigneur ! Soutiens-le par l’Esprit Saint » ? C’est exact, répondit Abû Hurayra. » 

(Hadith rapporté par Bukhârî et Muslim) 

Le savant as-Safâraynî raconte que : « Quand K’ab Ibn Zuhayr est revenu repentant et clama son célèbre poème, l’Envoyé de Dieu (S) prit le manteau qu’il portait sur lui et le jeta sur Ka’b. Mu’âwiya aurait souhaité acquérir cet habit pour 10.000 dirhams. Mais Ka’b lui répondit : « Je ne préférerais personne à ce vêtement du Prophète. »

Manzûmatu al-âdab

Lorsque Ka’b mourut, Mu’âwiya a envoyé à ses héritiers 20.000 dirhams et a récupéré le manteau. »

As-Safâraynî en tire 3 enseignements :

Il est permis de déclamer de la poésie, de l’écouter dans les mosquées et de la rétribuer.

L’Imam Nawawi a dit :  » Il n’y a aucun inconvénient à déclamer la poésie à la mosquée si elle chante les louanges de la prophétie et de l’Islam, ou si elle prend la forme de sages sentences ou si elle porte sur les vertus morales ou encore si elle traite de l’ascétisme ou d’autres thèmes du bien. « 

(Commentaire du Sahih Muslim t.6) 

Abû Bakr Ibn al-‘Arabi al-Mâliki, le grand juriste andalou, a dit :  » Il n’y aucun inconvénient à clamer de la poésie dans les mosquée si elle chante les louanges de la religion et de la Shari’a. « 

Tuffatu al-Ahwadhî (t. 2)

Audition spirituelle et danse extatique :

Le mouvement qui peut accompagner le dhikr est apprécié parce qu’il stimule le corps dans l’accomplissement du rituel de l’invocation.

Dans le Musnad d’Ibn Hanbal, rapporté aussi par al-Hâfiz al-Muqaddasî d’après un témoignage de Anas :

Les Abyssins dansaient devant l’Envoyé de Dieu en disant dans leur langue: Mohammad est un serviteur de Dieu vertueux.
Que disent-ils ? Demanda le Prophète.
Ils disent: « Mohammad est un serviteur (de Dieu) vertueux.

Le Prophète n’a pas désapprouvé leurs chants en mouvement. Il les a laissé faire ce qu’ils faisaient et les a approuvé.

Après la prise de Khaybar, Ja’far Abî Tâlib était revenu d’Abyssinie. Le Prophète (S) lui dit: « Tu me ressembles de physique et de caractère. »

Entendant cela, Ja’far se mit à danser pour savourer ce moment. Le Prophète ne le désavoua pas.

Cette tradition est rapporté par Bukhâri dans son Sahih.

Le Faqîh Khalîl an-Nahlâwî ad-Dimashqî rapporte dans son livre que le Shaykh Khayr al-Din Ramli dans ses « Fatawa al-khayriyya » a écrit : « … quant à l’audition spirituelle de chants de nos maîtres soufis, elle échappe à ces divergences, elle s’élève du degré de permission (al-ibâha) au degré d’être conseillée (mustahab). »

Al-Hazar wa al-ibâha

Samâa Soufi et éducation spirituelle :

Le Shaykh Abdel-Qadir ‘Isa conclue: « Il résulte que le but des chants soufis porte sur l’éducation, l’exhortation au bien et à l’utilité. C’est parce que par sa nature, l’audition spirituelle favorise la stimulation du potentiel caché des âmes et l’excitation des composantes des cœurs, pour ressentir la quiétude dans l’enceinte de la Sainteté Divine et l’amour ardent pour les lumières du Prophète (S).

Livre : Vérités du Soufisme

C’est du moins ce que les Maîtres du Soufisme ont décrit et qui, de leurs voix, étouffent les vaines distractions de la vie et ne se regroupent pas pour se consacrer à des futilités. Leur état les transporte en un terrain qui n’est pas celui des autres hommes.

Leur secret: ils entendent ce que les gens n’entendent pas. Ils prennent connaissance de ce que les gens ne connaissent pas. Leur audition spirituelle stimule la beauté de leurs états d’âme, leur dévoile le fond de leur conscience, excite le désir ardent dissimulé en leur for intérieur et remue les sentiments de leurs cœurs, du moment que ceux-ci sont attachés à leur Seigneur, recherchant la solitude en Sa présence et aspirant à se rapprocher le plus possible de Lui.

L’audition spirituelle irrigue les âmes et accélère la progression vers Dieu :

L’Imâm Ghazali rapporte dans son Ihyâ-Al-Ouloum-ad-Din Muslim al-Abâdânî a dit: « Sâlih al-Murâ, ‘Atabat al-Ghulâm, ‘Abd al-Wâhid Ibn Zayd et Muslim al-Aswârî se sont installés, une nuit, sur le littoral. Je leur ai préparé à manger. Je les ai invités à venir chez moi. Lorsque j’ai posé le plat devant eux, l’un d’eux a déclamé ce vers: « Les nourritures te distraient de la demeure éternelle. Et la fascination de l’âme n’est point profitable. » En entendant cela, ‘Ataba al-Ghulâm poussa un cri et s’effondra sans connaissance. Les autres pleurèrent. Aussi, ai-je débarrassé la table, sans qu’ils aient goûté une seule bouchée. »

Livre : La revivification des sciences de la religion

L’imâm Ghazali rapporte aussi qu’un chanteur avait déclamer quelques vers devant Dhû-l-Nûn al-Misri qui essaya de se lever mais tomba face contre terre.

Dans Tabaqât as-Sûfiyya, Abdel-Rahman Sulami rapporte qu’un poète déclama des vers devant Harîth al-Muhâsibî:

« Dans mon exil, je pleure ce que l’œil d’un étranger pleure.
Le jour de mon départ, j’avais le mal du pays.
Etonnant que je puisse abandonner ma patrie alors que mon bien-aimé s’y trouvait. »

Tabaqât as-Sûfiyya

Il se leva en pleurant et en éprouvant un état spirituel intense, jusqu’à ce que les gens présents invoquent la miséricorde de Dieu en sa faveur.

As-Safâraybî a dit dans son « Ghidhâ al-Albâb » : « L’audition spirituelle stimule ce qui se trouve dans les cœurs et les met en branle. Cela se produit quand les cœurs des gens sont pleins des invocations de Dieu, purifiés des altérations des plaisirs, brûlant d’amour de Dieu, n’ayant de préoccupation que Lui.

livre : la nourriture des coeurs

C’est que le désir ardent, l’amour passionnée, l’agitation fébrile et l’émoi se cachent dans leurs cœurs comme le tir de la balle se dissimule derrière la gâchette d’une arme. Ils ne se libèrent que lorsqu’ils rencontrent les affinités des éléments qui leur ressemblent. Or, ce que les auditeurs entendent, ce n’est rien d’autre que ce qu’ils ressentent dans leurs cœurs. Aussi, cette concordance entre ce qu’ils entendent et ce qu’ils éprouvent fortement dans leurs cœurs avec la force de son pouvoir stimulant, fait réagir les organes.

Ce n’est pas l’auditeur qui, de sa propre initiative fait remuer son cœur.

C’est plutôt ces martèlements qui ébranlent l’immobilité des cœurs qui, dès lors, pour se libérer de leurs agitations, envoient aux membres du corps la dynamique du mouvement et des cris en parallèle à ce qui se passe dans les cœurs, par les effets de l’audition spirituelle. »

Abû-l-Qâsim al-Junayd a dit: « L’audition spirituelle ne crée rien dans les cœurs. Elle ne fait que stimuler ce qui s’y trouve. Ainsi, tu vois les gens s’exciter de leur amour passionné et exprimer ce que recèle l’intériorité de leurs secrets intimes. Ce n’est donc pas la parole du poète qui en est l’origine. Les auditeurs ne font même pas attention à ce qu’il dit, car la compréhension du texte a déjà précédé ce que la pensée imagine. »

Le Shaykh Abdel-Qader ‘Isa rajoute : « Celui qui brûle d’amour pour Dieu n’est pas gêné par les mots opaques pour comprendre les sens subtils puisqu’il ne s’arrête pas au son des voix et à la vision des images. Celui qui prétend que l’audition spirituelle se ramène à la finesse des sens et à la douceur des sons, alors il n’a pas compris le secret de l’audition.

L’audition spirituelle est une réalité divine et une donnée subtile d’ordre spirituel.

Elle parvient du as-Sami’ (L’Audient*) et irradie les secrets intimes par les dons subtils et les lumières. Elle brise dans le cœur ce qui ne devrait pas être pour n’y laisser que ce qui est éternel. Il s’agit d’une audition spirituelle de la Vérité pour la Vérité par la Vérité.

L’état qui atteint celui qui écoute est dû à sa faiblesse. Il n’est pas capable de supporter ce qui arrive vers lui quand l’arrivée des lumières submergent la porte d’entrée de son cœur.

C’est alors que stupéfait, il perd l’esprit. Dès lors, il se dégage libérant ses effets sur les membres du corps. C’est ainsi que le cri strident qui émane de lui le soulage. Ceci se produit plus particulièrement chez ceux qui sont au début de leur initiation. Quant à ceux qui parviennent aux termes de leur évolution spirituelle, l’épanouissement de leur poitrine leur apporte généralement le calme et la stabilité. Il n’en reste pas moins que, dans la sérénité éprouvée, ils s’agitent et dans leur fermeté, ils sont secoués.

*L’audient Le tout et toujours écoutant. Celui qui entend tout bruit ou son dans son royaume émanant de n’importe quelle créature et aussi celui qui prête attention et écoute les invocations de ses créatures pour y répondre. Celui dont l’audition et l’attention englobe le tout existant. Celui qui écoute toutes les voix. Celui qui entend et accepte tous les mots, les pensées et les secrets. Celui qui écoute tout, parfaitement, éternellement, sans limitations.

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